LeS DeRNieRS MoiS de NiCK KNoX par MiRiaM LiNNa

Nick Knox

Nicholas George Stephanoff

AKA

Nick KNOX

(26 mars 1953 – 15 juin 2018)

Nick Knox ex-batteur des Cramps est décédé le 15 juin 2018, emporté par un infarctus. Il est resté six ans avec le groupe, lui donnant son infernal tempo binaire ainsi qu’une force et une assise auxquelles Lux et Ivy n’avaient probablement jamais songé, même dans leurs pires cauchemars. Nick Knox, pour moi, c’est “Fort Knox” – écoutez comment il verrouille tout, tel une porte blindée de coffre-forts -. Son drumming imperturbable, digne de Charlie Watts, est l’une des pièces maîtresses du son quasi voodoo-esque/ intégralement jungle du groupe de rock’n’roll le plus allumé de toute la Création, combo phare halluciné de toute une génération.
Tout le monde le sait, Knox s’installe sur le tabouret délaissé par Miriam Linna en 1979. Ils ne se verront plus pendant 40 ans, ça on le sait moins. Et pourtant, comme de nombreux de joyeux hurluberlus qui finiront par se faire remarquer à New York du côté du CBGB, ils sont originaires de Cleveland – la ville d’Alan Freed et celle du “Rock’n’Roll Home Of Fame” -, ou pas très loin.

Le 16 juin, à l’annonce de la mort de son successeur, Miriam lui rend un hommage très émouvant sur son mur Fb. J’ai lui demandé l’autorisation de tenter de traduire, en réalité d’adapter, son texte, car il me semblait évident que seule une personne qui connaissait bien Nick pouvait trouver les mots dignes du personnage. Elle a accepté et que les Kinks la bénisse pour avoir pris ce risque. Question trado, j’ai fait comme j’ai pu, mon accent anglais étant plus proche de Javel que d’Oxford.

Ouèche !

Professor BeeB HôPô

Nick KNOX
Nick Knox © Unknown

J’ai vu Nicky – Nick Knox – que la plupart d’entre vous connaissent mieux comme batteur des Electric Eels puis celui des Cramps -, pour la dernière fois, en soins intensifs à la Cleveland Clinic . Ça faisait mal au cœur, car j’avais passé quelques jours formidables avec lui à la fin du mois d’avril, quand je suis allée dans l’Ohio pour chercher des photos de George Shuba (1) et rencontrer Wally Bryson (2) au sujet du disque de son groupe, The Choir (3), que nous allions sortir. Nicky semblait en forme et heureux à ce moment-là, gonflé à bloc et prêt à en découdre. Nous nous étions bien éclatés avec George, et c’était génial de les écouter parler de tous les concerts de rock’n’roll qui se sont tenus à Cleveland … semblait-il.

Quelqu’un m’a posé des questions à propos de mon amitié avec Nicky, comment tout cela s’est passé. Certains d’entre vous ne le savent peut-être pas, mais nous étions potes bien avant que nous ne jouions dans des groupes. Après l’été 77, nous ne nous sommes pas vus pendant 40 ans, et nous sommes redevenus de grands amis l’année dernière.

J’ai reçu un appel téléphonique de Nicky, à l’improviste, il y a un an et demi, trois mois après le décès de Billy (4) [……] Quand il a dit que c’était Nick qui était au bout de fil, j’ai pensé que c’était Nick Tosches (5), le seul Nick que je connaissais. Il me présentait ses condoléances et je me demandais pourquoi Nick T. faisait de la redondance alors qu’il avait assisté à l’enterrement. Alors j’ai demandé “Qui est-ce ?” Et il a dit “C’est Nicky, Miriam … Nick Knox.” J’ai failli tomber de ma chaise.
Je n’avais pas eu de ses nouvelles depuis 40 ans.

“Je ne suis pas disponible au moment des matchs.” 

J’étais alors au milieu de ce que vous pourriez appeler un spleen immense […………]. Dire que j’étais découragée est peu dire. Cet appel téléphonique m’a évité de sombrer dans un puits. Après ce premier essai, nous avons rapidement mis au point un plan pour nous appeler tous les jours à 11h11, et nous avons gardé ce tempo, fondamentalement un appel de contrôle mutuel, toujours joyeux […]. Il savait, d’une manière ou d’une autre, comment je m’occupais et disait que j’étais “comme la petite sœur que je n’ai jamais eue”. Il terminait chaque appel de la même manière : “Miriam, je t’aime, je t’aime, je t’aime.” J’ai le sentiment qu’il répétait systématiquement je t’aime trois fois de suite à de nombreux parents plus jeunes qui l’adoraient aussi, parce que c’est le genre de chose que vous diriez à un enfant, et il y a un bébé dans chacun d’entre nous quand nous ne sommes pas très à l’aise. J’attendais avec impatience les appels de « contrôles » quotidiens, et je me suis vite rendu compte qu’il avait aussi besoin de ces discussions d’encouragement.

Nicky et moi étions amis depuis le début des années 70, quand, avec ma sœur Helen, nous avons commencé à venir à Cleveland pour voir des groupes. En 1973, nous avons vu les Dolls au Théâtre Allen, puis les Stooges et Slade en janvier 1974. Quand je dis “nous”, je parle des gens de Cleveland d’un âge compris entre 14 et 24 ans. Il semble que toute personne originaire du nord est de l’Ohio ayant fini dans un groupe était à ces concerts. Comme je couvre beaucoup de ce genre de choses sur mon blog Kicksville66, alors laissez-moi vous parler des événements récents.

Nicky était un lecteur vorace – il lisait chaque biographie et autobiographie de rock’n’roll […], et il avait une mémoire quasi photographique ainsi qu’une étonnante capacité à se rappeler les dates, les lieux et les plus infimes détails. Plus que n’importe quel livre, cependant, il était accro, encore, à son magazine bien-aimé MAD, et aussi au petit calendrier des matchs des Indians (5). Il m’a donné un de ces calendriers de poche et a dit :  “Je ne suis pas disponible au moment des matchs.” 

Un ami m’a rendu une lettre que j’avais écrite en 1975 où je décris un voyage à New York avec une cargaison d’amis, y compris Stiv [Bator], Babs [Fraley], James [Sliman] et “Nick qui ressemble à un Kink”. Les Kinks étaient de loin son groupe préféré, et je lui ai offert le CD Anthology en cadeau d’anniversaire cette année (pour écute dans la voiture). Comme moi, il les avait vus lors de leur première apparition à Cleveland en décembre 1975, où il avait obtenu la fameuse couverture du magazine MAD autographiée par les frères Davies. Il l’avait plastifiée avec le talon du billet et elle avait disparue pendant des décennies. […] Il est arrivé ce printemps et il me l’a sortie en février. J’en ai pris une photo, je l’ai agrandie, et puis Dave Davies l’a signée le 3 avril. Cela signifiait beaucoup pour Nick Knox, c’était une pièce unique. Les Kinks sont si profondément ancrés chez tous leurs fans authentiques, à commencer par moi-même, qu’en parler tous les jours avec lui m’a rappelé les moments vraiment fantastiques de “fandom” et de thésaurisation de disques, et il m’a mise à nouveau en mission chaotique avec eux.

“Puis-je apporter tout Larry Williams ?”

Nicky détestait les attentions des étrangers, même celle des fans bien intentionnés. Quand il est sorti du bois comme DJ la première fois le 13 octobre, puis le 23 février et le 28 avril, il a refusé des photos et des autographes de presque tout le monde. C’est seulement quand il était DJ qu’il était à l’aise comme un poisson dans l’eau. Quand nous nous amusions à faire une battle de DJ, il a paniqué en disant qu’il ne pouvait pas trouver sa copie du “Mod Sox” des Grasshoppers et me demandant d’en apporter une. J’ai pensé, WOW! Les Grasshoppers, ça va être marrant ! Et ça l’a été. Il a amené beaucoup de surprises, et toujours des rockers – pour le dernier concert, il a demandé, “Puis-je apporter tout Larry Williams ?” A la fin cette nuit-là, la pièce était vide. Il n’y avait plus que moi, Kitty et Pascal, nos amis de Franklin Castle (7). Les platines étaient encore en place et les lumières étaient basses, et je lui ai demandé s’il voulait en faire tourner davantage. Il a souri et dit : “Ooohhhh, OUI”, et je lui ai proposé un coup de mains. “Allez danser”, dit-il, et pendant un long moment, c’était magique. Kitty, Pascal et moi dansant le long du sol à motifs de carreaux noirs et blancs, avec des lumières scintillantes et nous acclamant Nicky avec chaque nouveau disque. Nous lui faisions la “hola”, et il nous répondait par une autre”hola”. Ce fut l’un des moments les plus heureux de ma vie : être de retour dans le pays que le temps avait oublié, et voir mon vieil ami s’amuser – avec des 45 tours en main. Cette nuit-là, c’était la pleine lune et nous pensions tous les quatre que ça en faisait un truc très spécial.

Biens des gens auront de bons souvenirs de Nicky. Ceux-ci sont quelques-uns des miens, écrit le matin juste après son décès. Je remercie Dieu d’avoir eu Nicky au nombre de mes amis. Il était l’un des êtres humains les plus gentils, les plus drôles et les plus incroyables que j’ai jamais connus et j’ai eu la grande chance d’avoir été dans son trajectoire.

Plein d’amour pour Jeanne et la famille, qu’il aimait tant, et qui m’ont traitée avec tant d’amour. Et aussi, plein d’amour pour Ernie.

Miriam Linna

 

Notes du traducteur (ou supposé tel)

(1) George Shuba est un très grand photographe de Cleveland. A son actif : 40 ans de photos prises sur scène (ou ailleurs) des groupes qui sont passés dans cette ville de l’Ohio.
(2) Guitariste des Rasperries, groupe originaire de Cleveland.
(3) Private joke destinée à mon ami le chevrier : au-dessus des morceaux des Choirs plane l’ombre, effrayante, des Bee Gees deuxième période.
(4) Il s’agit de Bill Millar, mari de Miriam, avec lequel elle gérait la boutique et le label Norton (éditeur de livres et de disques) à Brooklyn.
(5) Nick Tosches est un très grand écrivain et biographe américain. On lui doit la plus extraordinaire des bios, “Dino” dont le sujet est Dean Martin. Norton/Kicks est l’éditeur américain de son livre “Réserve Ta Dernière Danse pour Satan”. Ce livre a été publié en France (juillet 2013, Editions Allia).
(5) Les Indians sont l’équipe de base-ball de Cleveland.
(7) Franklin Castle, “le Château Franklin” est une maison présumée hantée, située 4308 Franklin avenue, et dont quelques salles serviront à Norton pour stocker ses publications diverses. La soirée de lancement eut lieu le 13 octobre 2017.

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14 Commentaires

  1. Le …the…one …il n a pas d équivalent même pas ”’charlie”’ni même John Wayne gacy…qui n étaient pourtant pas des nains dans leurs ”genres”’

  2. Inutile de te dire que j’adore les Cramps que j’ai eu la chance de voir souvent à LA. D’ailleurs, il y a une de mes photos (toute petite) de Poison Ivy qui traine dans un vieux R & F (pré Manoeuvre). Photo très “stricte” parce que j’étais subjugué par sa beauté et que j’étais “en mains”, ayant souvent eu la spécialité de tomber sur des compagnes jalouses. Enfin, toute une vie avec des moments inouïs (ou/et inoubliables)!!!

    • Hi again !
      C’est vrai qu’elle valait le coup d’œil. Et le déplacement? Je pense d’ailleurs que biens des culs-de-jatte aveugles et/ou sourds ont été miraculés après avoir assistés à des concerts des Cramps ……
      That’s why I dig that goddamn Bop’n’Roll
      Ouèche !
      Prof.

  3. Bravo !!!! Je suis hyper débordé et j’aurai bien aimé t’aider mais je vois que tu te débrouilles super bien tout seul. Ok, je n’ai pas l’original mais cela me parait parfait. Très intéressant comme tout ce que tu mets en “ligne”. Tiens bon !!! A bientôt et, comme toujours “Keep on rockin’!”.

    • Merci Philippe. En tout cas, c’est gentil venant d’un “connoisseur”…
      J’ai juste fait comme j’ai pu. C’est a dire contrairement à un vrai traducteur qui, lui, essaiera de coller au texte original, je me suis efforcé de ne pas trop m’en éloigner !
      Mmouarffff !
      Prof.

  4. Un très bel hommage à Nike K, à la musique mais aussi à l’amitié.
    Que tous les potes depuis 40 ans ou plus lèvent le doigt…

  5. Merci Prézidan, c’est effectivement très touchant et poignant. Pour de prochains besoins de traduction angliche > phrançais, n’hésite pas à toquer chez le kosmische anarchocylorider, I’m your man. Et vive les Kinks, fuckin’ hell.

  6. Merci pour la traduction M’sieur !!!
    Et je le dis comme je le pense, Nick Knox était le plus grand batteur tribal de tous les temps !!!

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