CaPTaiN BeeFHeaRT à aMouGie (BeLGiQue)1969

Captain Beefheart Amougie

CaPTaiN BeeFHeaRT à aMouGie (BeLGiQue)1969

Comme il est question de Captain Beefheart en ce moment sur Bop-Pills (voir et voir), et que  celle-là, j’y étais …

Captain Beefheart AmougieOù : Festival d’Amougie.
Quand : du 24 octobre au 28 octobre 1969.
Organisé par Actuel (alors en grand format) et RTL (alors un peu moins débile). En fait par Jean Karakos pour lancer son label Byg Records dont les invendus (un sacré pakson) finirent chez les soldeurs et faillirent même échouer au Japon ! 
Prévu aux Halles, puis décalé vers St-Cloud, pour être repoussé à Coutray, le “The First Paris Music Festival” eut lieu aux betteraves, à Amougie, en Belgique. Très précisément au Mont de l’Enclu, dans le Heynaut. Et oui.
C’était sponsorisé par l’anisette Ricard. Et c’était censé être le Woodstock français ! On était loin du compte. C’est que Woodstock on ne savait pas très bien ce que c’était, le film n’était pas encore sorti ! Au final, on était plus proche de l’Ile de Wight 1969 (ça, on savait ce que c’était, la presse rock ou non avait fait ses grands titres dessus en septembre 1969), mais en miniature.
Et l’incontournable Aguigui Mouna est venu de Paris sur son hirondelle fleurie pour nous faire reprendre son slogan “les frontières on s’en fout, dè-vélo-pa-do-to”.

Comme c’était la campagne, il caillait des meules et l’humidité de l’air transperçait les vestes afghanes en peau de moumoutes. Calés dans les duvets, on regardait et écoutait les groupes.
La salle c’était une immense tente blanche. Enfumée par les clopes plus ou moins bien roulées et les volutes dégagés par les chauffages. Deux scènes : une pour le free jazz (j’ai jamais pu me faire à ce machin), l’autre pour le rock (la pop musique qu’on disait en ces temps ancestraux). Pendant qu’un groupe jouait sur l’une, les roadies s’affairaient sur l’autre. Donc pas de perte de temps. Point noir : un seul robinet d’eau froide derrière un troquet pour 15000 personnes et faire semblant de se débarbouiller et se laver les quenottes.

Tous les zappaphiles le savent : lors du festival FZ semblait être un grand ami de Pierre Lattès, présentateur du festival. En fait, Zappa a été payé $10 000 (tous frais payés) pour faire le Monsieur Loyal. Maintenant on dit Master Of Ceremony, ça fait moins cirque, mais ça fait nettement plus con.
Captain Beefheart AmougieLe Moustachu a jammé, Strat et SG en main, avec presque tous les groupes. De Pink Floyd (interminablement cosmique) aux Pretty Things (qui eurent raison de ma voix tellement ils furent absolus, rien que le réveil de la foule par Viv Pince et ses cymbales sans parler de la jam avec Zappa, je ne vous dis que ça), en passant par Aynsley Dunbar (qui fut recruté sur le champs – on est à la campagne, pas vrai ? – comme Maman de l’Invention), Soft Machine (j’ai décroché dès le deuxième morceau, arrangements trop intellos pour moi), Blossom Toes (confondants sur toutes les scènes où je les ai vus). Et bien sûr avec Beefheart qui, à l’époque, était tout de même considéré unanimement comme SA chose.

Capitaine Cœur-de-Bœuf et son Orchestre Magique passèrent le dernier jour. Un set d’à peine ¾ d’heure. Mais pour le moins estomaquant, voire estoquant.
La vidéo reflète exactement ce qui s’est passé cette nuit-là. Von Vliet qui ne quitte pas ses zicos d’un œil. La musique est totale, surprenante, jamais entendue et donc ahurissante.
Et, plus que n’importe quelle autre, faussement free. Puisque, comme toujours dans les musiques improvisées, calée sur des schémas incontournables. Faussement free, certes. Mais complètement expérimentale. Même encore maintenant, c’est toujours aussi nouveau et totalement original. Pour autant que je me rappelle, passé l’effet de surprise, niveau succès, ça n’a pas été franchement ça. La cause ? le froid, le froid, le froid.
Mais aussi et encore : la nouveauté. Beefheart était connu d’une poignée d’initiés et comme la grosse majorité du public s’était déplacée pour Ten Years After et Pink Floyd, il y avait un canyon entre le groupe et l’audience.
Le chant de CB n’y est pas totalement étranger non plus : un peu grognon-ronchon sur les bords, un tantinet chatouilleux sur la tranche. Particulièrement pour qui vient de passer cinq jours à se les geler tragique pendant 5 jours. Les éructations et déclamations à l’huile de foie de morue pratiquement vomies (ou dégueulées, c’est comme vous voulez) avaient de quoi déconcerter.
De même les deux guitaristes dont le jeu était fichtrement ahurissant. Jamais entendu. Et quand Jeff Cotton quittera le Magic Band, les choses ne seront plus tout à fait les mêmes.
Ajoutez le sax, une vieille gamelle ternie, et ses free-notes, la boucle est bouclée. On était sciés et … hébétés ! C’était NOU-VEAU !

Revenons à nos moumoutes. Beefheart à Amougie savait exactement ce qu’il attendait de ses hommes de main. De mon point de vue, c’est encore pire que la pression qu’exerçait James Brown sur ses Blue Flame. Au moins JB leur tournait le dos, une façon de faire semblant de leur foutre la paix (*), on réglait les comptes en famille une fois le rideau baissé. Remarquez, à Amougie, y’avait pas de rideau….  Chez Beefheart, la charge est constante. Il les a dans SON collimateur. Pas question de jouer une seule note étrangère à ce qui est prévu et de s’égarer d’un quart de croche. Une vraie tyrannie. Cela transparaît pleinement ici. Et dans ces temps de liberté supposée totale, personne n’avait songé à un tel absolutisme… qui échappa à tout le monde.
A commencer par toute l’intelligentsia de la pop-music (pas de noms) qui se targuait d’être à l’écoute de l’intellectualisme musical “libéré” de Vliet avant tout le monde. Et qui rata Safe As Milk à la vitesse du son.
Sentant des choses similaires poindre aux States, Tonton Lester remettra les choses à leurs places. Loué soit-il !!

Captain Beefheart AmougieDonc Captain Beefheart and his Magic Band. Amenés à Amougie par Zappa : question de contrat et d’exigence. Fallait bien rentabiliser les fonds engloutis dans Straight Records et la production de “Trout Mask..”. Filmés dans la nuit du 28 octobre.
La séquence, assez décoiffante, est vraisemblablement (pour autant que mes souvenirs le laissent supposer) extraite de Music Power. Film invisible depuis des lustres, mais pourtant présenté en salle en 70 (je le sais, je l’ai vu).
Réalisateur : Jérôme Laperrousaz. Le film retrace les cinq jours du festival qui fut une totale réussite, mais épuisant pour les spectateurs.
Tous ceux qui enregistrèrent Troust Mask Replica sont là :
Captain Beefheart – vocals, harmonica,
Bill Harkleroad (alias Zoot Horn Rollo) – guitare, flute
Jeff Cotton (Antennae Jimmy Semens) – guitare, chœurs
Victor Hayden (The Mascara Snake) – clarinettte, choeurs
Mark Boston (Rockette Morton) – basse
John French (Drumbo) – drums, percussion

Inutile de dire, ça serait une redondance avec tout ce qui précède (!), que le look du combo prit tous les spectateurs par surprise et à revers. C’était irréel, du jamais vu. Les martiens, on savait. Mais CA on découvrait et on hallucinait.
Une autre galaxie, un autre univers.
Tiens : je m’entends encore demander à mes potes : “c’est une nana le mec là-bas ?” C’est dire !
La nana en question, c’était celui qui venait de prendre la place de Ry Cooder : Antennae Jimmy Semens, alias Jeff Cotton qui s’envolera vers MU.
Ce qui est, aussi, un autre monde.
Ouèche !

Prof.

PS: à 4’22 on voit pointer une moustache célèbre… qui viendra faire le bœuf avec Cœur de Bœuf (je sais, mais c’était trop tentant).

(*) encore que plusieurs vidéos le montrent assez joyeux au point de danser la Danse du Scalp autour de musiciens ayant raté une note !!!

Captain Beefheart

Professor
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4 Commentaires

  1. Waow ! Merci Beeb ! On peut encore lire des choses intéressantes sur la musique intéressante dans ce monde ignare, la preuve au-dessus !

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