RoKy eRiCKSoN – you’Re GoNNa MiSS Me

RoKy eRiCKSoN - you'Re

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RoKy eRiCKSoN

(15 juillet 1947 – 31 mai 2019)

“J’ai entendu pour la première fois Roky et le 13th Floor Elevators à Houston. J’ai dit, c’est tout. C’est une expérience féroce dans le R & B et le blues, une intensité agréablement effrayante. Et puis Roky Erickson, l’un des meilleurs chanteurs de rock depuis Little Richard [et] Jerry Lee Lewis. Sa voix était si forte et féroce et maniaque. En termes de va-et-vient, ça ne va pas mieux. ”

Billy Gibbons (You’re Gonna Miss Me documentary, 2005)

Si Roky Erickson, leader et principal compositeur de 13th Floor Elevators n’avait rien fait d’autre que le classique psyché-garage, “You Are Gonna Miss Me”, il figurerait quand même dans les livres d’histoire du rock. Mais il s’avère que le hit écrit en 1966 par Roky n’était qu’une page d’une vie fascinante en proie à la toxicomanie et à la maladie mentale, et finalement réhabilitée par sa famille, ses amis et une motivation qui l’a incité à écrire des chansons malgré la folie.

Outre un cri inspiré par les héros Little Richard et Screamin ’Jay Hawkins, Roky (prononcez “Rocky”) Erickson avait tout pour plaire : apparence, charisme et talent. Premier groupe à coller le terme psychédélique avec la musique, les Elevators sont aussi des pionniers de l’expérience acide. Ils ont enregistré deux albums révolutionnaires, The Psychedelic Sound Of The 13th Floor Elevator (1966) et Easter Everywhere (1967). En 1968, International Artists s’empresse de sortir un disque mal enregistré et un album final, Bull of Woods, dans lequel figuraient des notes de Roky.)

C’est en 1966, lors de shows à San Fransisco que 13th Floor Elevator se forge sa réputation de groupe texan aux cheveux courts jouant du rock and roll dur devant une foule de flower children post-folk. Et répand aussi son influence. Ils ont joué avec Great Society, où l’on trouvait Grace Slick comme chanteuse. Des groupes comme le Grateful Dead ont participé à leurs concerts. À l’apogée de leur brève célébrité, les texans ont même fait une apparition télévision nationale sur Bandstand pour interpréter “You’re Gonna Miss Me” . Et lorsque Dick Clark demande qui était le chef du groupe, Tommy Hall, le joueur de jug électrifié, déclare: “Nous sommes tous des têtes”.

Avec les demi-caisses Gibson noyées dans un torrent de réverbération sans précédent, avec la jarre électrifiée en contrepoint, l’influence du groupe d’Austin, sur la scène naissante de San Francisco, ne peut être sous-estimée. Mais au moment où les grandes maisons de disques commencent à signer les groupes “psychédéliques” de la Bay, les Elevators étaient déjà de retour au Texas, incapables de se produire en raison de problèmes juridiques liés aux diverses drogues qu’ils prennent de manière quasi-compulsive.

L’histoire des Elevators et la façon dont leur voyage a pris une sombre tournure sont décrits de façon saisissante dans la biographie exhaustive de Paul Drummond,  Eye Mind: The Saga of Roky Erickson and the 13th Floor Elevators, The Pioneers of Psychedelic Sound (*). Après un travail de recherche s’étalant sur huit ans, le livre a été publié le mois dernier et associe des interviews, des archives et des photos des survivants (le guitariste Stacy Sutherland a été tué par balle par sa femme en 1978). Il est intéressant de noter que Drummond épingle l’ingestion massive de LSD par le groupe dans sa recherche de vérité spirituelle par la musique du gourou autoproclamé Tommy Hall, qui prend le poste de joueur de jug électrifié car il ne jouait d’aucun instrument. Drummond le décrit comme ayant une emprise semblable à celle de Svengali sur Roky, qui n’avait que 18 ans quand ils se sont rencontrés et avaient une personnalité enfantine et malléable. “Tommy avait un agenda – une vision du groupe en tant que moyen de diffusion de son message», relate Drummond. “L’idée était que le groupe prenne le LSD, puis “joue de l’acide”, provoquant une réaction synesthésique de la part du public.” Drummond écrit que, lorsque les premiers spectateurs trippaient, ils semblaient suivre la musique.

Mais en tant que pionniers psychédéliques dans un État où détenir un joint était un crime, l’Elevator – Roky et Stacy en particulier – a payé cher. Les projets de tournées nationales ne se sont jamais concrétisés et les affaires de drogue qui ont suivi ont empêché les Texans de quitter le Texas.

Et puis vint l’arrestation de 1969 qui allait changer la vie de Roky. Elle le conduisit pendant trois ans à l’Hôpital de Rusk pour les criminels aliénés de l’est du Texas. Roky a écrit beaucoup de chansons déchirants à Rusk, mais son travail était rempli d’images plus sombres et inspiré des films d’horreur vintage et de films de science-fiction qu’il avait adorés dans son enfance. Après sa sortie en 1972, il devint un artiste culte extrêmement influent pour ses sorties en tant qu’artiste solo et avec Blieb Alien (plus tard Roky Erickson et les Aliens). Mais ses contrats de disques étaient incertains et les labels de plus en plus obscurs. Les royalties étaient presque inexistantes, même si cette époque est celle de la sortie de l’un de ses albums les plus appréciés, The Evil One.

Une arrestation pour vol de courrier en 1989, ainsi qu’une dépendance aux offres et loteries “gratuites –  le renvoient à nouveau dans un hôpital psychiatrique.

Les musiciens et les amis n’ont jamais oublié Roky : son compatriote texan et dirigeant de Warner Bros. Bill Bentley a produit l’hommage à Erickson en 1990, Where the Pyramid Doets the Eye. Le titre est une citation de Roky quand on lui a demandé de définir la musique psychédélique― “C’est là que la pyramide s’éclaire, mec.” Des artistes de ZZ Top, REM, Doug Sahm et Julian Cope ont contribué au regain d’intérêt pour le travail de Roky. En 1995, Henry Rollins, un fan de Roky, publia Openers II, un recueil complet des paroles d’Erickson compilées et éditées par Casey Monahan, avec l’aide du plus jeune frère de Roky, Sumner. Le livre coïncidait avec la sortie de l’album de Roky, All That May Do My Rhyme, publié par Trance Syndicate, le label du batteur du batteur de Butthole Surfers, King Coffey.

A ce moment-là, les luttes de toute la vie de Roky contre ses démons personnels et la maladie mentale avaient fait des ravages ; il vivait dans un logement subventionné et ne voyait personne, à part sa mère, qui croyait davantage à la prière qu’aux soins médicaux. Incapable de faire taire les voix dans sa tête, Erickson a lentement transcendé cette période sombre grâce à l’amour et à la patience de ses amis, de sa famille et de ses fans.

Aujourd’hui, il est de retour et au top, fort du soutien sans faille de son frère Sumner, ancien joueur de tuba principal avec la symphonie de Pittsburgh et véritable prodige musical (il joue désormais avec les Texcentrics). C’est Sumner qui a fourni à Roky les soins médicaux dont il avait besoin et le met sur la voie du rétablissement (tous relatés dans le documentaire déchirant de Keven McAlester datant de 2005  You are Gonna Miss Me). Le fait que le monde musical était prêt pour le retour de Roky témoigne du respect de ses pairs et de l’intemporalité de sa musique.

Henry Rollins, dans une citation de Austin American-Statesman, a déclaré à propos du travail de Roky: “Lorsque le vrai livre sur la musique américaine sera écrit, Roky deviendra l’un de ces visages du mont Rushmore. Car des hommes semblables à Roky font de la musique un lieu incroyable comme John Coltrane, Miles Davis et Jimi Hendrix ont pu le faire. Cela devient bien plus que de la musique et plus que des paroles, un environnement total.”

A bien des égards, 2007 a été l’année de Roky. Il a fêté ses 60 ans en juillet chez lui à Austin, au Texas, avec un concert le vendredi 13 au Paramount Theatre, une plus grande “rock star” que ce qu’il avait été dans les années 1960 de son groupe. Avec son groupe de soutien The Explosives, il est également retourné à San Francisco, théâtre du premier succès national des Elevators, pour un concert de légende au festival Noise Pop 2007. Là, il a retrouvé Tommy Hall et son épouse Clementine Hall. Roky a ensuite joué à Coachella, Bumbershoot et au Royal Festival Hall en Angleterre. De même, il s’est produit pour la première fois à New York. On peut dire que le point culminant a été son enregistrement pour l’émission PBS d’Austin City Limits. Là-bas, Roky avait été rejoint sur scène par son ami et fan de longue date, Billy Gibbons, qui devrait produire le nouvel et si attendu album solo d’Erickson.

L’année a également été marquée par la sortie du DVD You’re Gonna Miss Me avec un post-scriptum que le cinéaste et les participants n’auraient jamais pu prédire. sevré  de médicaments psychiatriques. Il a également retrouvé sa première femme, Dana Gaines, et leur fils, Jegar Erickson, qui a géré une série de spectacles scandinaves à guichets fermés pour son père.

(*) Publié  en France (2011) sous le titre “La Saga Psychédélique de Roky Erickson et du 13th Floor Elevators, Éditions Camion Blanc et traduite par David Perez.
PS : Ce texte est la traduction de cet article publié en VO dans ces colonnes en 2007.

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13th Floor Elevators – Dr Unknown

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6 Commentaires

  1. J’ ai toujours posté le 13floors et roky .. personne ne prennait la peine d’écouter a part les fans … voilà ..faut attendre qu ils cassent leurs pipes et les voilà Superstar ..je ne parle pas pour toi président je te connais ..tu connais presque tout !!!

    • Nadine,
      C’est vrai sauf que même mort, ce pauvre Roky ne sera jamais une star. Et si c’est pour le voir au milieu de tous les glandus qui font la une de Rolli,g Stone ou de Frock en Lock, il vaut mieux qu’il soit là où il est !
      Tu dis que je connais presque tout. Que nenni ! J’ai vu beaucoup de choses, j’ai lu passionnément, j’ai entendu à la folie. Mais plus j’avance, et plus je comprends que je ne savais rien et que tout reste à découvrir. Va falloir que je fasse vite !
      Bizes
      Ouèche !

  2. Merci Prof! ,un beau papier que tu nous a écrit là ,qu’il repose en paix notre Roky ,les démons ne le hanterons plus maintenant …

    • Merci Manu, mais attention. Comme je l’ai écrit en bas de l’article, ce n’est qu’une traduction d’un article publié initialement sur le défunt blog de Gibson et dont j’avais obtenu l’autorisation de copie.
      Ouèche !

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