SNeaKeRS – FaNZiNe ou MaGaZiNe

Sneakers

SneakersJanvier 1978 : tandis que la 16 200 000 et dernière Coccinelle sort des usines Volkswagen, que paraissent le premier album de Dire Strait et la première galette de Pere Ubu, que Giscard félicite le 10 millionième abonné au téléphone et que Terry Kath s’apprête à jouer à une roulette russe qui lui sera fatale, jaillit dans le petit monde de la presse rock hexagonale SNEAKERS, un spécimen inattendu de cette catégorie journalistique très spécifique qu’est le fanzine.

Pourquoi en parler et le présenter ici aujourd’hui et maintenant, soit 41 ans après ? Et le proposer ici, en intégral (en bas de l’article) ? Parce que, au hasard d’une recherche sur internet, je suis tombé récemment sur un blog américain Blog To Com (*), dont le webmaster,  Christopher Stigliano, affirme que le contenu du journal aurait pu recevoir l’absolution de Bill Miller (R.I.P.) et Miriam Linna, deux new yorkais fondateurs du fanzine “Kicks” et du groupe The A-Bones , patrons du label Norton Records et véritables encyclopédies du rock. Dois-je préciser que Linna tenait les fûts chez les Cramps juste avant Knick Knox et qu’elle était la patronne du Fan-Club américain des Flamin’Groovies ? Alléché comme un renard, j’ai voulu en savoir plus. Eh bien, vous savez quoi : miracle !

Par un hasard (orienté) et avec un coup de bol (certain), j’ai retrouvé quelques exemplaires du seul et unique numéro de cette revue rock à mi-chemin entre le magazine et le fanzine. Affriolé par le contenu, j’ai fait quelques recherches qui m’ont permis d’en savoir un peu plus. Le titre est une référence aux Flamin’Groovies (tiens ?) et à leur mythique 25 cm : Sneakers. La gazette a été conçue sans réels moyens par des amateurs enthousiastes, lucides et passionnés, avec de petits loupés inhérents au genre. Ici, des manques de l’imprimeur ; là, des caractères un peu petits (mais si on se réfère aux Fock en Lolk” de l’époque, pas plus petits que ceux des copieux articles de Philippe Garnier !). Qu’importe : tout le matériel est 100 % inédit (voir, entre autres, le cahier spécial réservé à Dave Edmunds) et la maquette originale comparativement à ce qui se fait dans le genre en France à l’époque. Selon les éditeurs elle est inspirée par Zig Zag fleuron de la presse rock indépendante anglaise, (remember the “Rock Family Tree” de Peter Frame) et T.O.T.P. (Trans-Oceanic Trouser Press), fleuron de la presse rock indépendante yankee entièrement axée sur le rock briton.

SneakersPrécurseur dans son contenu, innovateur dans sa forme, original dans son graphisme, bien informé, richement illustré (dessins et photos), empreint de malice (cf. l’article sur Peter Hammill et les lapins qui se baladent au long des pages, ainsi que le texte à l’humour flagrant sur Buddy Holly), Sneakers aurait sans nul doute pu changer la donne s’il avait été correctement diffusé, donc mieux vendu. Également si les aficionados du rock avaient compris que l’humour et l’insolence étaient plus que nécessaires à un moment où les compagnies de disques contrôlaient indirectement les principaux journaux de rock. Car Sneakers était totalement indépendant, l’absence de publicité en témoigne. A noter que là, humour rime avec amour. Il ne fait effectivement aucun doute que, comme le souligne Christopher Stigliano  : “Ce collectif avait une énorme affection pour les groupes et les personnes dont il parlait”. Témoin : l’article sur Eddie And The Hot Rods. A contrario, il est quasi-indubitable que traiter un sujet comme Buddy Holly avec des jeux de mots en leitmotivs n’est pas du goût des fans purs et durs du binoclar de Lubbock. Ça ressemblait même à une mini-révolution dans le Landernau rock’n’rollien qui a une saine horreur de ce qui peut ressembler à des variantes, aussi minimes soient-elles.

Quoiqu’il en soit, en dépit d’une réaction élogieuse de quelques critiques, le journal ne put atteindre son objectif : fabriquer et sortir un numéro deux avec la recette des ventes du premier dont la distribution via un réseau de boutiques spécialisées sur le territoire hexagonal fut acrobatique.
Alors, les éditeurs mirent la clé sous le paillasson.
Et remboursèrent les dettes.

Ce fanzine-là méritait d’être mis à l’honneur dans son pays, même avec retard. Car, la malédiction s’acharnant toujours sur les mêmes, les prétendus historiens de la période 75-79 se feront un devoir de ne pas le mentionner dans leurs livres savants. Pourtant un miracle étant toujours possible, certains signaux de reconnaissance font jour. La preuve : de rares exemplaires de Sneakers se vendent aux environs de 15 € sur l’Internet.
Quand on les trouve !
Et, tenez-vous bien, il se murmure qu’une poignée d’aficionados australiens est entrain de le découvrir …..

Ouèche !

Hal Véole

(*) Blog to Com : pour y accéder; c’est [ici]

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13 Commentaires

  1. Même si la maquette contient des erreurs (normal pour un numéro 1) elles sont largement compensées par son originalité et le soin apporté à la mise en page. En plus d’être marrant, ce canard (déchaîné?) faisait preuve de goût et de culture.
    Dommage que les éditeurs n’aient pu aller plus loin. Le monde du rock en aurait été changé. Tout du moins en France.

  2. Je ne connaissais pas ce fantastique journal. Merci pour avoir remédier à mon ignorance. Et bravo pour votre blog d’une grande tenue.

  3. Il est tout à fait juste de dire que “les prétendus historiens de la période 75-79 se feront un devoir de ne pas le mentionner dans leurs livres savants.”
    Preuve en est que ce fanzine, un tantinet iconoclaste et très bien fait, ne figure même dans l’ouvrage “Fanzines” de Tills Triggs, pourtant une référence en la matière !

  4. En réponse au message d’Hal, ce ne sont pas deux (mille pardons Brenda Jackson and R.I.P.) mais trois femmes que nous découvrons dans Sneakers:
    Brenda Jackson et sa plume acérée, Éveline Coutas reine du réflex, Nora Geller et ses brèves improbables où l’on apprend avec effroi une amitié entre David Bowie et…Michel Sardou! Mais ça,c’ était y’a longtemps!
    Bref un univers parfait où la notion de “parité” annonée par nos politiques et consorts, n’existait même pas: normal, c’était déjà fait!

    Keep on rocking’!
    Sheena

  5. Référence au commentaire du dessous : En parlant de Romero, il est frappant de constater que l’édito de la page deux du zine avait pour titre “Faire-part”.
    Concernant la version papier, nous en avons retrouvé une vingtaine, en état neuf, hormis les agrafes qui sont un peu rouillées. Nous réfléchissons à un moyen de les mettre en vente.
    Quoiqu’il en soit, c’est vrai que ce journal-là était vraiment une histoire d’amour avec le rock. D’ailleurs, dans “Sneakers”, il y a le mot cœur (le moqueur ?)
    Dans l’équipe rédactionnelle, il y avait aussi deux nanas dont Brenda Jackson !

    Ouèche (comme dit not’ PRéZiDaN)
    Hal Véole

  6. La pépite de l’année ressurgie d’entre les morts, puisqu’il est écrit en avant dernière page “abonnez vous sous peine de mort… du journal, évidemment”. Bel hommage indirect à Romero!

    Hybridation rock’ rollienne d’un Charlie et d’une rubrique à brac de Gotlib, ce fanzine vaut le coup d’œil (maquette, dessins sublimes, photographies décalées comme on les aime) et le coup de lecture.
    C’est d’ailleurs à la lecture de Sneakers qu’on s’aperçoit de la vacuité de la plupart des papiers “officiels”, autocentrés, sans contenu et totalement détachés de la réalité.

    Je ne connais ni D. Benoiste ni V. Finlay, mais une chose est certaine: ces deux personnes vivaient le rock, de l’intérieur, au plus près des artistes.
    La preuve, ces articles sur Dave Edmunds et Tom Petty. Sûr que les deux gaillards ont dû passer un excellent moment en leur compagnie !
    Le sommet: il l y a même une femme photographe dans l’équipe, ce qui n’était pas gagné en 77. Ces messieurs étaient rock,certes, mais pas machos pour deux sous . On s’incline.

    La question qui fâche: où trouver la version papier???

    Mille mercis Hal pour cette belle découverte .

  7. Alors là je dis chapeau bas et 1000 mercis Hal Véole vraiment dommage que cette revue n’ait pas eu plus de numéros, c’est vraiment le genre que j’affectionne.
    messieurs dames bravo votre revue était extra

  8. J’ai fais partie de l’équipe à l’origine de ce seul et unique numéro
    Voir article sur les Hot Rods à Mont de Marsan
    Avec Agnès Michel Richard Ancelot Gerard Rose et Dominique Benoiste

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